Dans cette affaire, notre client était arrivé en France avec un visa passeport-talent « chercheur », et sa conjointe avec un visa passeport-talent mention « famille ».
Quelques années plus tard, il avait converti son titre de séjour en un titre de séjour « salarié ». S’était alors posée la question de la conversion du titre de séjour de sa conjointe.
Après avoir obtenu un titre de séjour « étudiant », la préfecture a commis de nombreuses négligences lors de son renouvellement. Le couple avait fini par introduire une demande de regroupement familial « sur place », qui avait été refusé par le Préfet des Alpes-Maritimes sur le fondement assez classique de la présence de la conjointe sur le territoire français.
Dans une décision du 27 septembre 2023, le tribunal administratif de Nice annule la décision de rejet de regroupement familial sur place en raison de l’absence de traitement de la demande de renouvellement de titre de séjour et d’une vie commune avérée avec son époux, énonce une injonction de délivrance de l’autorisation de regroupement familial, et fait rarissime, prononce une astreinte de 50€ par jour de retard :
"Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 22 octobre 2021, et un mémoire enregistré le 12 mai 2023, M. XXX, représenté par Me Leloup, demande au tribunal :
1°) d’annuler la décision du 31 août 2021 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande de regroupement familial qu’il a présentée pour sa conjointe ;
2°) d’enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de faire droit à sa demande de regroupement familial, à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et à défaut de réexaminer sa demande dans le même délai ;
3°) d’enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer un récépissé de demande de titre de séjour dans l’attente du réexamen de la demande de regroupement familial, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d’un délai de 30 jours après la notification du jugement à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée a été signée par une autorité incompétente ;
- l'avis du maire de Menton n'a pas été sollicité en méconnaissance de l'article R. 421- 18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée ; - sa situation n’a pas été examinée ;
(1ère chambre)
N°2105647 2
- le préfet des Alpes-Maritimes a commis une erreur de droit en se considérant comme en situation de compétence liée et une erreur manifeste d’appréciation ;
- le préfet n’a pas tenu compte de sa situation au regard de de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, le 9 novembre 2021, qui n’a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a décidé de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience, en application de l’article R. 732-1 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :- le rapport de M. Soli- et les observations de Me Leloup pour le requérant.
Considérant ce qui suit :
1. M. XXX, ressortissant russe, titulaire d’un titre de séjour « salarié » a présenté une demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse Mme XXX, ressortissante biélorusse, Par une décision du 31 août 2021, que le requérant demande au Tribunal d’annuler le préfet des Alpes-Maritimes a opposé un rejet à ladite demande de regroupement familial.
Sur les conclusions à fin d’annulation et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».
3. Il ressort des pièces du dossier que l’épouse du requérant réside de manière régulière en France depuis 2017 ; que son dernier titre de séjour portant la mention « étudiant » est arrivé à expiration en janvier 2021 ; qu’elle en a demandé le renouvellement au près du préfet des Alpes-Maritimes le 18 novembre 2020 ; que la préfecture a clôturé le dossier de demande de renouvellement le 5 mai 2021 sans prendre de décision de rejet ; qu’à défaut de pouvoir obtenir ledit renouvellement et afin de régulariser la situation de son épouse, le requérant a présenté la demande de regroupement familial qui fait l’objet de la décision litigieuse de rejet au motif que Mme XXX est présente sur le territoire.
Dès lors que Mme XXX est entrée et s’est maintenue régulièrement sur le territoire, que la demande de regroupement familial n’a été formée que pour palier l’absence de traitement de sa demande de renouvellement de titre de séjour, que la réalité de la vie commune n’est pas contestée, qu’il n’est pas plus contesté que le requérant, ingénieur en recherche et développement en CDI, dispose de ressources suffisantes et d’un logement adapté, ce dernier est fondé à soutenir que la décision litigieuse porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de 1’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1’homme et des libertés fondamentales et qu’au surplus elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.
Sur les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte :
L’exécution du présent jugement implique, compte tenu de ses motifs, d’enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. XXX l’autorisation de regroupement familial sollicitée dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Sur les frais liés au litige :
Il y a lieu dans les circonstances de l’espèce de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. XXX et non compris dans les dépens.
D É C I DE
Article 1er : La décision du 31 août 2021 prise par le préfet des Alpes-Maritimes et rejetant la demande de regroupement familial présentée par M. XXX est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. XXX l’autorisation de regroupement familial sollicitée dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Article 3 : L’Etat versera à M. XXX une somme de 1000 euros sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. XXX et au préfet des Alpes-Maritimes.
Copie en sera adressée au ministre de l’intérieur et des outre-mer et au procureur de la république près du tribunal judiciaire de Nice."
Me Leloup
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