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Photo du rédacteurMe Marianne Leloup

TA Paris 18/11/2024 - annul refus de TDS et OQTF + injonction de délivrance VPF



Ce couple bangladais est arrivé en France en 2015. En 2016, madame donne naissance à leur premier enfant, qui souffre d’un autisme particulièrement grave. Ils obtiennent chacun un titre de séjour en tant qu’accompagnants d’un enfant malade.


L’année suivante, la préfecture refuse de le renouveler.


Ils déposent donc tous deux une demande d’admission exceptionnelle au séjour (AES) en mars 2023.


En avril 2023, madame donne naissance à un second enfant, une petite fille, qui souffre d’un très grave handicap physique. Elle a besoin d’assistance respiratoire. Elle ne pourrait vraisemblablement même pas voyager en avion.

 

Le couple demande à nouveau la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour (AMS) en tant que parent d’enfant étranger malade. Ils l’obtiennent tous deux.


Monsieur travaille pour subvenir aux besoins de sa famille. Madame, elle, ne peut pas travailler car elle doit apporter des soins quotidiens à ses deux enfants.

 

En avril 2024, plot twist : monsieur obtient un titre de séjour vie privée et familiale (VPF) suite à la demande d’AES déposée un an plus tôt. Madame, elle reçoit un refus de délivrance de titre VPF assorti d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

 

Le cabinet introduit un recours en excès de pouvoir contre cette décision en juin 2024. Le 18 novembre 2024, le Tribunal administratif de Paris décide d’annuler les décision du préfet de police et de lui enjoindre de délivrer à notre cliente une carte de séjour VPF :

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 juin et 1er octobre 2024,

B , représentée par Me Leloup, demande au tribunal, dans le

Mme dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler l’arrêté du 10 mai 2024 par lequel le préfet de police a refusé de lui

délivrer un titre de séjour, l’a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et

a fixé le pays de destination ;

2°) d’annuler la décision orale de refus d’enregistrement de sa demande de

renouvellement d’autorisation provisoire de séjour du 13 juin 2024 ;

3°) d’enjoindre au préfet de police ou au préfet territorialement compétent de lui

délivrer un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » dans un délai de dix jours

à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de

retard ;

4°) à titre subsidiaire, d’enjoindre au préfet de police ou au préfet territorialement

compétent de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de parent d’enfant

malade dans un délai de dix jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous

astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) à titre infiniment subsidiaire, d’enjoindre au préfet de police ou au préfet

territorialement compétent de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de dix jours à

compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de

retard et de lui délivrer, dans l’attente, une autorisation provisoire de séjour ou un récépissé dans

un délai de trois jours ;N° 2416852 2

6°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur les moyens communs à l’ensemble des décisions contestées :

- l’arrêté contesté est entaché d’incompétence de son signataire ;

- il est insuffisamment motivé et est entaché d’un défaut d’examen.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d’erreur de fait ;

- elle méconnaît les dispositions de l’article L. 435-1 et de l’article L. 423-23 du code de

l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de

sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l’article 3-1 de la convention internationale des

droits de l’enfant ;

- elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur sa

situation personnelle.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale, par voie d’exception, en raison de l’illégalité de la décision de refus de

titre de séjour ;

- elle est entachée d’un défaut d’examen ;

- elle méconnaît les dispositions de l’article L. 613-1 du code de l’entrée et du séjour

des étrangers et du droit d’asile ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de

sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l’article 3-1 de la convention internationale des

droits de l’enfant ;

- elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur sa

situation personnelle.

Sur la décision orale de refus d’enregistrement de sa demande de renouvellement

d’autorisation provisoire de séjour du 13 juin 2024 :

- elle est entachée d’incompétence de son auteur ;

- elle est entachée d’une erreur de droit ;

- elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2024, le préfet de police, représenté

par la SELARL Centaure Avocats, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 septembre 2024, la clôture de l’instruction a été fixée au

7 octobre 2024.N° 2416852 3

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l’enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés

fondamentales,

- le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,

- le code des relations entre le public et l’administration,

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa

proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Guglielmetti,

- et les observations de Me Silvestre.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B , ressortissante bangladaise, née le 1991, entrée

en France le 8 novembre 2015 selon ses déclarations, a sollicité le 10 mars 2023 la délivrance

d’un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code

de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par un arrêté du 10 mai 2024, le préfet

de police a rejeté sa demande, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente

jours, a fixé le pays de destination. Elle demande l’annulation de cet arrêté ainsi que de la

décision de refus d’enregistrement de sa demande de renouvellement d’autorisation provisoire de

séjour.

Sur les conclusions à fins d’annulation de l’arrêté du 10 mai 2024 :

2. Aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de

l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée

et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; (…) ». Aux termes de l’article 3-1 de la

convention internationale relative aux droits de l’enfant : « Dans toutes les décisions qui

concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection

sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt

supérieur de l’

enfant doit être une considération primordiale. ». Il résulte de ces stipulations, qui

peuvent être utilement invoquées à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir et sont

applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle

d’enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d’affecter, de manière suffisamment

directe et certaine, leur situation, que, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, l’autorité

administrative doit accorder une attention primordiale, dans toutes les décisions les concernant, à

l’intérêt supérieur des enfantsN° 2416852 4

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B réside en France

depuis l’année 2018, soit depuis environ sept ans à la date de la décision attaquée. Elle est la

mère de deux enfants, A et Al , nés respectivement le 2016 et le 2023

sur le territoire français. La requérante est mariée depuis le 2013 avec un compatriote qui

réside régulièrement sur le territoire français, en dernier lieu sous couvert d’une carte de séjour

« vie privée et familiale » valable jusqu’au 15 avril 2025, et qui exerce une activité

professionnelle de conducteur de voiture de transport avec chauffeur (VTC) au sein de sa propre

société. Il ressort également des pièces du dossier que le fils aîné, A , scolarisé en France

depuis 2019, présente un trouble grave du spectre autistique à l’origine d’un retard de

développement au regard duquel il a été admis au sein de l’institut médico-pédagogique (IMP)

de Belleville le 23 mai 2024 pour poursuivre sa scolarité, son taux d’incapacité ayant été fixé

entre 50 et 79 % par la MDPH de Paris. De plus, il ressort de plusieurs attestations en date du

11 juillet 2022 et du 10 juin 2024 d’un pédopsychiatre assurant son suivi au sein du GHU Paris

« Pychiatrie et neurosciences – Maison Blanche » que son autisme sévère « nécessite des soins

pluri-hebdomadaires au CMP, lesquels ont débuté en décembre 2021, sans interruption et sans

limitation de durée vu la gravité des troubles et que ces soins nécessitent la présence et la

participation active de la mère à chaque séance, ce qu’elle honore de façon systématique ». En

outre, il ressort des pièces du dossier que la fille de la requérante, Al , est porteuse d’une

pathologie génétique appelée syndrome de Joubert associée à une polymicrogynie bilatérale

nécessitant un appareillage (oxygénothérapie et sonde de nutrition), un traitement médical et un

suivi multidisciplinaire spécialisé et prolongé, qu’elle poursuit depuis sa naissance et à la date de

la décision attaquée, au sein de l’hôpital Robert Debré pour une durée de plusieurs années. Par

une décision de la maison départementale des personnes handicapées de Paris du 24 avril 2024,

cette enfant a été reconnue handicapée et son taux d’incapacité a été fixé à plus de 80%. Il ressort

des pièces médicales du dossier que la présence de sa mère à ses côtés en continu est requise

pour assurer les soins du quotidien du fait de son hospitalisation à domicile. Par ailleurs, il

ressort de l’avis du collège de médecins de l’OFII en date du 21 novembre 2023 sur le dossier de

Mme Al qu’elle ne peut bénéficier effectivement d’une prise en charge et d’un

traitement approprié dans son pays d’origine eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du

système de santé. Enfin, si le préfet de police conteste en défense que la requérante maîtrise la

langue française, il ressort des pièces du dossier, et notamment d’une attestation en date du 28

juin 2024, postérieure à la décision attaquée mais révélant une situation antérieure, que « la

famille parle correctement le français et est compréhensible aussi bien lors d’échanges

téléphoniques qu’en visu ». Dans ces conditions, du fait de l’ancienneté de son séjour en France

et de sa pleine implication dans l’éducation et les soins de ses enfants attestée par les différentes

pièces de suivi médical du dossier, en refusant le séjour à Mme B et en

prononçant à son encontre une mesure d’éloignement, le préfet de police a porté une atteinte

disproportionnée au droit de Mme B de mener une vie privée et familiale

normale au regard des buts en vue desquels ces décisions ont été prises ainsi qu’à l’intérêt

supérieur de ses enfants, protégés par les stipulations précitées.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres

moyens de la requête, que la décision portant refus de séjour du 10 mai 2024 prononcée à

l’encontre de Mme B doit être annulée. Il en est de même, par voie de conséquence, de la

décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de renvoi.N° 2416852 5

Sur les conclusions à fin d’annulation des décisions de refus d’enregistrement de sa

demande de renouvellement de son autorisation provisoire de séjour :

5. Aux termes de l’article R. 431-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du

droit d’asile : « L’étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour

présente à l’appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les

documents justifiants de sa nationalité ; / 3° Les documents justifiants de l’état civil et de la

nationalité de son conjoint, de ses enfants et de ses parents lorsqu’il sollicite la délivrance ou le

renouvellement d’un titre de séjour pour motif familial. / La délivrance du premier récépissé et

l’intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la

production de ces documents ». L’article R. 431-11 de ce code dispose que « L’étranger qui

sollicite la délivrance d’un titre de séjour présente à l’appui de sa demande les pièces

justificatives dont la liste est fixée par arrêté annexé au présent code ». Enfin, selon l’article

R. 431-12 du même code : « L’étranger admis à souscrire une demande de délivrance ou de

renouvellement de titre de séjour se voit remettre un récépissé qui autorise sa présence sur le

territoire pour la durée qu’il précise. Ce document est revêtu de la signature de l’agent

compétent ainsi que du timbre du service chargé, en vertu de l’article R. 431-20, de l’instruction

de la demande. / Le récépissé n’est pas remis au demandeur d’asile titulaire d’une attestation de

demande d’asile ».

6. Il résulte de ces dispositions qu’en dehors du cas d’une demande à caractère abusif ou

dilatoire, l’autorité administrative chargée d’instruire une demande de titre de séjour ne peut

refuser de l’enregistrer, et de délivrer le récépissé y afférent, que si le dossier présenté à l’appui

de cette demande est incomplet.

7. En l’espèce, la requérante soutient sans être contredite s’être rendue à la préfecture de

police le 13 juin 2024 en présence de son conseil afin de déposer une demande de

renouvellement de son autorisation provisoire de séjour en qualité de parent d’enfant malade et

avoir fait l’objet d’un refus d’enregistrement de sa demande et d’instruction de son dossier au

motif qu’une obligation de quitter le territoire français avait été édictée à son encontre le 10 mai

2024. Toutefois, cette circonstance ne saurait caractériser une demande abusive ou dilatoire et

ce, dès lors que le préfet ne conteste pas que la demande de titre de séjour était complète. Dans

ces conditions, les dispositions de l’article R. 431-12 du code de l’entrée et du séjour des

étrangers et du droit d’asile ont été méconnues.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens

soulevés, que la décision orale du 13 juin 2024 par laquelle le préfet de police a refusé

d’enregistrer la demande de renouvellement de l’autorisation provisoire de séjour de

doit être annulée.

Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :

9. Eu égard aux motifs du présent jugement, il y a lieu d’enjoindre au préfet de police

ou à tout autre préfet territorialement compétent de délivrer un titre de séjour portant la mention

« vie privée et familiale » à Mme B dans un délai de trois mois à compter

de la notification du présent jugement, sous réserve de changement de circonstances de fait ou de

droit. Il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Mme B N° 2416852 6

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État, partie

perdante, une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice

administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les décisions du préfet de police du 10 mai et du 13 juin 2024 sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police ou à tout autre préfet territorialement compétent de

délivrer un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » à Mme B

dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : L’État versera à Mme B la somme de 1 000 euros au titre de

l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme de police.

B et au préfet

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Salzmann, présidente,

Mme Armoët, première conseillère,

Mme Guglielmetti, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2024.1 juillet 20

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