Notre cliente, de nationalité irakienne, a vécu toute sa vie en Chine avec sa famille (qui s'y trouve toujours). Après des études au Royaume-Uni, elle est venue en France avec un visa long-séjour étudiant et a perdu le fil de ses renouvellements pendant le Covid. Elle travaille à son compte et gagne extrêmement bien sa vie.
Dans ce dossier nous avions « forcé » le dépôt de la demande de titre de séjour vie privée familiale de plein droit de notre cliente en considérant qu’elle ne relevait pas de l’admission exceptionnelle au séjour, et comme la Préfecture de police ne prévoit pas de procédure particulière dans ce cas de figure nous avions déposé via un envoi postal en mai 2023, puis 4 mois plus tard saisi le tribunal administratif d’un recours en excès de pouvoir pour refus implicite (après envoi d’une demande de communication de motifs).
En mars 2024 on a introduit un référé-suspension car son père était très malade - sans grande surprise on a perdu sur l’urgence, car son père n’était pas en danger de mort.
Cependant, le jour même de la décision du référé nous avons reçu une convocation pour une audience sur le fond qui s’est tenue en mai 2024.
Finalement, nous avons obtenu une injonction de réexamen et la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour (APS) autorisant à travailler.
Moralité : nous n’hésiterons plus à envoyer des demandes VPF par voie postale et à saisir 4 mois après dans des dossiers où nous considérons que nous sommes dans du plein droit, et non sur une AES !
Voici la décision :
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 15 novembre 2023, Mme X, représentée par Me Leloup, demande au tribunal :
1°) d’annuler la décision implicite du préfet de police de refus de délivrance de carte de résident née le 2 septembre 2023 ;
2°) d’enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour mention « vie privée et familiale » dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme X soutient que la décision attaquée :
- est insuffisamment motivée,
- méconnait les dispositions de l’article L 435-1 et L 423-23 du code de l’entrée et du
séjour des étrangers et du droit d’asile,
- méconnait les stipulations des article 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales.La requête a été communiquée au préfet de police qui n’a pas présenté d’observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,- le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,- le code des relations entre le public et l’administration,- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :- le rapport de Mme Mornington,- et les observations de Me Silvestre pour la requérante.
Considérant ce qui suit :
1. Mme X, ressortissante irakienne et dominicaine, née le 9 mai 1996, est entrée en France le 21 août 2019. Le 2 mai 2023, elle a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par la présente requête, Mme Xdemande l’annulation de la décision implicite de rejet née le 2 septembre 2023 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Sur les conclusions à fins d’annulation :
2. D’une part, aux termes de l’article. R. 432-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Le silence gardé par l'administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ». L’article R. 432-2 de ce code énonce que « La décision implicite mentionnée à l'article R. 432-1 naît au terme d'un délai de quatre mois ». D’autre part, aux termes de l’article L. 232-4 du code des relations entre le public et l’administration : « Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ».
3. Il ressort des pièces du dossier que la requérante a sollicité son admission au séjour auprès du préfet de police par une demande enregistrée le 2 mai 2023. Du silence gardé par le préfet de police pendant quatre mois est née une décision implicite de rejet, pour laquelle la requérante a sollicité la communication de ses motifs par une lettre du 18 septembre 2023, reçue le 19 septembre 2023, qui est demeurée sans réponse. Dans ces circonstances, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision implicite de refus de titre de séjour doit être accueilli.
4. Il résulte de ce qui précède que la requérante est fondée, pour ce seul motif, à demander l’annulation de la décision par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :
5. Eu égard aux motifs d’annulation retenus, le présent jugement implique seulement que le préfet de police procède au réexamen de la demande de Mme X. Par suite, il y a lieu d’enjoindre au préfet de police de procéder à un tel réexamen dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement, et de délivrer à Mme X, dans l’attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler. En revanche, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce de mettre à la charge de l’État une somme de 800 euros au titre des frais exposés par Mme Xet non compris dans les dépens.
D E CI D E :
Article 1er : La décision par laquelle le préfet de police de Paris a implicitement rejeté la demande de titre de séjour de Mme X est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de Paris de procéder au réexamen de la demande de Mme X dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement et de lui délivrer dans l’attente de ce réexamen une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler.
Article 3 : L’Etat versera à Mme X une somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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