Les études supérieures ne sont pas toujours couronnées de succès, et il peut arriver que l’étudiant passe par la case « redoublement » lors de son parcours scolaire. Au-delà de la déception qui peut être ressentie par tous les étudiants, les étudiants étrangers peuvent éprouver un sentiment d’angoisse quant à leur demande de renouvellement de titre de séjour étudiant.
La carte de séjour mention « étudiant » est prévue à l’article L.422-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (aussi appelé CESEDA) qui dispose que :
« L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" d'une durée inférieure ou égale à un an.»
Conformément à l’article L. 433-1 du CESEDA, pour pouvoir bénéficier du renouvellement de son titre de séjour, les étudiants étrangers doivent continuer de remplir les conditions de délivrance du titre de séjour dont ils étaient titulaires. Ainsi, l’étudiant étranger verra son titre de séjour renouvelé si :
1) Il est encore inscrit dans un établissement d’enseignement français ;
2) Il justifie toujours de moyens de subsistance suffisants (soit 615 euros par mois).
L’article L. 433-4 du CESEDA prévoit que lors du renouvellement de son titre de séjour, l’étranger peut également solliciter une carte de séjour pluriannuelle lui permettant ainsi de limiter ses visites à la préfecture.
Néanmoins, lorsque l’étudiant étranger a redoublé une année scolaire, il peut faire face à un refus de renouvellement de titre de séjour étudiant.
I – L’appréciation du caractère réel et sérieux des études lors du renouvellement du titre de séjour
Lors du renouvellement du titre de séjour étudiant, le préfet ne se fonde pas uniquement sur les conditions prévues lors d’une première demande de titre de séjour. En effet, il prend aussi en compte le caractère réel et sérieux des études. Il s’agit d’un critère ancien. Le Conseil d’Etat (soit la plus haute juridiction administrative française) a considéré que le simple fait pour l’étudiant étranger de présenter un certificat d’inscription dans une école n’empêche pas l’administration « d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies » lorsqu’elle décide ou non de renouveler un titre de séjour étudiant (Conseil d’Etat, 11 février 1994, n° 104337).
Par ailleurs, ce critère a été repris par une circulaire du 7 octobre 2008. Une circulaire est un acte administratif transmis par une autorité administrative à une administration pour lui indiquer la façon d’appliquer et d’apprécier certaines dispositions législatives ou réglementaires.
Selon la circulaire du 7 octobre 2008, le caractère réel et sérieux des études s’apprécie selon 3 facteurs :
1) l’assiduité de l’étudiant aux cours dispensés et aux examens ;
2) la progression des études suivies (si l’étudiant poursuit ses études dans le même cursus scolaire) ;
3) le sérieux des études (si l’étudiant a changé de cursus).
Dans le cas de l’étudiant qui poursuit ses études dans un même cursus scolaire, la circulaire retient que le caractère réel et sérieux des études n’est pas établi lorsqu’il « a subi trois échecs successifs et n'a pas été en mesure de valider une seule année au terme de trois années d'études ». En ce sens, le juge administratif a estimé que le caractère réel et sérieux des études n’était pas établi pour l’étudiant étranger s’inscrivant pour la cinquième fois consécutive en maîtrise d’informatique (Conseil d’Etat, 24 novembre 1999, n° 206523).
Cependant, la circulaire admet l’existence de motifs sérieux pouvant justifier l’échec scolaire de l’étudiant étranger. Dans ce cas-là, l’étudiant pourra voir son titre de séjour renouvelé malgré les échecs scolaires. Il peut notamment s’agir d’une maladie ou d’un évènement familial grave. En ce sens, les juges administratifs ont pu admettre certains motifs sérieux comme :
- le décès de trois membres de la famille de l’étudiant et d’une maladie dont il a souffert (Conseil d’Etat, 14 octobre 1996, n° 173479) ;
- l’obtention tardive d’un stage nécessaire à la validation du second semestre de Master 2 de l’étudiant (Cour Administrative d’Appel de Versailles, 16 septembre 2008, n° 07VE01881) ;
- le fait pour l’étudiant de devoir travailler pour subvenir à ses besoins, dès lors qu’il fait preuve d’assiduité aux cours et aux examens (Cour Administrative d’Appel de Nantes, , 14 décembre 2009, n° 09NT01427).
Par ailleurs, les préfets ne peuvent pas se baser uniquement sur l’absence de diplômes obtenus pour justifier le refus de renouvellement d’un titre de séjour étudiant (Cour Administrative d’Appel de Paris, 25 juin 2013, n° 12PA04099). Le caractère réel et sérieux des études est également attesté quand bien même la progression de l’étudiant est lente mais régulière (Cour Administrative d’Appel de Lyon, 16 juillet 2009, n° 08LY01475).
II – Comment justifier un échec scolaire lors de ma demande de renouvellement de titre de séjour ?
Les demandes de renouvellement de titre de séjour étudiant se font sur le site de l’ANEF. Lors du dépôt de la demande, il est fortement conseillé d’accompagner sa demande d’une lettre explicative datée et signée à l’attention de la préfecture. Elle permet à l’étudiant de pouvoir expliquer les raisons de l’absence de progression dans son parcours scolaire. Cette lettre doit notamment mentionner :
- le parcours scolaire avant l’arrivée en France ;
- le parcours scolaire depuis l’arrivée en France ;
- la perspective professionnelle de l’étudiant ;
- le ou les échec.s scolaire.s ;
- les raisons du/des échec.s. scolaire.s ;
- la volonté de l’étudiant d’améliorer ses futurs résultats scolaires (voire comment).
Quand bien même l’étudiant étranger n’a redoublé qu’une seule fois, une lettre explicative à l’attention de la préfecture peut également être produite par pure précaution.
Pour réellement apporter une plus-value à la demande de renouvellement de titre de séjour, la lettre explicative doit forcément être accompagnée de documents attestant les motifs de l’absence de progression comme :
- Des certificats médicaux ;
- Des certificats psychologiques ;
- Des bulletins d’hospitalisation ;
- Des actes de décès ;
- Tout autre document permettant de justifier l’absence de progression dans les études.
Attention, la préfecture est très attentive au lien de causalité entre l’échec scolaire et le motif invoqué par l’étranger pour le justifier. En ce sens, le Conseil d’Etat a confirmé l’argument du préfet du Nord selon lequel l’absence de progression n’était pas justifiée par le traitement médical suivi par l’étudiant depuis un an au moment du refus de renouvellement alors même qu’il était en France depuis cinq ans (Conseil d’Etat, 15 novembre 1999, n°169232). Il convient donc de fournir des documents dont la date coïncide avec la période scolaire en question.
De plus, il peut être judicieux de fournir des attestations de témoins permettant de certifier du sérieux de l’étudiant dans son parcours scolaires. Par exemple, des attestations de professeurs démontrant l’assiduité et les efforts de l’étudiant malgré l’absence de progression dans ses études, ou encore des attestations de camarades de classes soulignant la participation en cours et aux travaux de groupe.
III – Que faire en cas de refus de renouvellement de titre de séjour étudiant ?
Le fait de fournir une lettre expliquant les raisons de l’échec scolaire ne permet pas en soit de s’assurer du renouvellement du titre de séjour. Il arrive fréquemment que, malgré tout, la préfecture refuse le renouvellement en se fondant sur l’absence de caractère réel et sérieux des études.
Dans une telle hypothèse, il existe plusieurs options :
- Former un recours gracieux auprès de la préfecture dans un délai de deux mois ;
- Former un recours hiérarchique auprès devant le ministère de l’intérieur dans un délai de deux mois ;
- Former un recours en excès de pouvoir devant le tribunal administratif compétent dans un délai de 30 jours.
Attention : les recours gracieux et hiérarchiques sont souvent inutiles, puisqu’il s’agit pour l’administration de décider de revenir d’elle-même sur sa propre décision.
Il vaut mieux privilégier la voie du recours en excès de pouvoir pour contester la décision de refus de renouvellement du titre de séjour étudiant. En effet, le recours en excès de pouvoir a plus de chance d’aboutir à une décision favorable pour l’étudiant étranger que le recours gracieux ou le recours hiérarchique.
En effet, les préfets apprécient de façon assez stricte le caractère réel et sérieux des études de l’étudiant étranger lorsque ce dernier ne progresse pas dans ses études. Il n’est pas rare qu’ils refusent le renouvellement du titre de séjour quand bien même l’étudiant étranger fournit des éléments justifiant le ou les échec.s scolaire.s. Pour cela, ils se fondent généralement sur le fait que les éléments apportés ne constituent pas des motifs sérieux ou qu’ils ne permettent pas d’établir qu’ils sont la cause de l’absence de progression.
De plus, le recours en excès de pouvoir ne nécessite pas en principe la présence d’un avocat. Cela étant, il s’agit d’une procédure qui peut s’avérer complexe voire intimidante tant sur la présentation du recours que sur le fond du recours. Pour mieux défendre ses intérêts, il est judicieux de faire appel au conseil d’un avocat.
Ce recours en excès de pouvoir peut être accompagné, lorsque les conditions sont remplies, d’un référé-suspension.
La procédure de référé-suspension est prévue à l’article L.521-1 du code de justice administrative qui prévoit : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».
Ce recours permet de suspendre l’exécution d’une décision administrative. Il s’agit d’un recours incident, ainsi il n’est pas possible de former un référé suspension sans faire un recours préalable devant le juge administratif comme un recours en excès de pouvoir.
Le référé suspension est donc soumis à 2 conditions :
- L’urgence de la situation ;
- Un doute sérieux quant à la légalité de la décision administrative.
Dans le cadre d’un référé suspension contre une décision refusant le renouvellement du titre de séjour étudiant, l’urgence peut se caractériser de différentes manières comme par l’approche imminente de la rentrée scolaire ou encore le fait d’exercer un emploi étudiant.
N’hésitez pas à contacter le cabinet Leloup.
Clara Etoungou Ngono
Marianne Leloup
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