Pourvoi en cassation, demande de réexamen et contestation d’OQTF
Si l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) ou la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) considère que vous ne remplissez pas les conditions posées à l’article L.511-1 du CESEDA (statut de réfugié), ou bien celles de l’article L.521-1 du CESEDA (protection subsidiaire), votre demande d’asile est rejetée.
Cependant, si vous n’avez pas contesté la décision de l’OFPRA devant la CNDA dans les délais, ou si la CNDA a rejeté votre recours, plusieurs options s'offrent à vous :
Recours en cassation : Vous pouvez former un recours en cassation devant le Conseil d’État, dans un délai de deux mois suivant la décision de la CNDA. Passé ce délai, la décision de la CNDA devient définitive et vous êtes débouté du droit d’asile ;
Demande de réexamen : Vous pouvez demander à l’OFPRA de réexaminer votre dossier, à condition de justifier d’éléments nouveaux permettant de justifier vos craintes en cas de retour dans votre pays ;
Régularisation : une demande de régularisation peut être envisagée dans certains cas ( par exemple sous conditions, en cas de maladie grave ou si vous êtes victime de traite) ;
Retour volontaire : Vous pouvez décider de retourner dans votre pays d’origine.
Une fois débouté du droit d’asile, si vous restez en France, vous êtes en situation irrégulière. En principe, la préfecture délivrera une obligation de quitter le territoire français (OQTF) afin de procéder à votre éloignement du territoire français. Cette procédure a été renforcée par la loi du 26 janvier 2024, dite "loi Darmanin", et son décret d’application du 8 juillet 2024, qui systématise la délivrance d’une OQTF en cas de rejet des demandes d’asile (article L.542-4 du CESEDA).
Cet article se concentre sur trois points essentiels : le recours en cassation devant le Conseil d’État (I), la demande de réexamen auprès de l’OFPRA (II), et la contestation d’une OQTF post-asile (III).
I) Le recours en cassation devant le Conseil d’État après un rejet de la CNDA
a) Conditions et délais du recours en cassation
En cas de refus de votre demande d’asile par la CNDA, il est possible de former un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État.
Ce recours doit être effectué dans un délai de 2 mois à compter de la date à laquelle vous avez été notifié du rejet de votre demande d’asile par la CNDA.
b) Assistance d’un avocat et demande d’aide juridictionnelle
Si vous envisagez de former un recours devant le Conseil d’État, veuillez noter que l’assistance d’un avocat au Conseil d'État et à la Cour de Cassation est obligatoire.
Cette procédure étant extrêmement coûteuse, vous pouvez formuler une demande d’aide juridictionnelle auprès du bureau d’aide juridictionnelle du Conseil d’État, dans le délai de recours (soit 2 mois en principe).
c) Limites du recours en cassation
Ce recours ne permet pas au Conseil d’État de rejuger, de réexaminer votre demande d’asile comme l’a fait la CNDA. Le pouvoir du Conseil d’État se limite à vérifier que la CNDA n’a pas, en prenant une décision de rejet de demande d’asile, violé le droit, et notamment les dispositions du CESEDA. Le Conseil d’État pourra se prononcer sur d’éventuelles erreurs commises par la CNDA en matière de compétence ou de procédure, dans l’interprétation des dispositions du CESEDA, ou encore sur le caractère suffisant de la motivation de la décision de la CNDA.
En pratique, il est très compliqué d’obtenir l’aide juridictionnelle, et donc de faire un recours en cassation. Ce recours est envisageable uniquement en cas d’erreur manifeste ou grossière d’appréciation de votre dossier au regard des pièces fournies dans la décision, ou si la CNDA n’a pas répondu à l’une de vos demandes, par exemple, celle de protection subsidiaire.
Les chances de succès sont très limitées. Si le Conseil d’État annule la décision contestée, il peut soit se prononcer lui-même sur l’octroi ou le refus de protection, soit renvoyer l’affaire devant la CNDA qui doit alors se prononcer de nouveau sur le dossier.
II) La demande de réexamen auprès de l’OFPRA en cas de refus définitif d'asile
a) Conditions pour demander un réexamen de demande d’asile
Dans certaines hypothèses, en cas de refus définitif de votre demande d’asile, vous pouvez faire une demande de réexamen. Cette demande d’examen vous permet, en tant que demandeur d’asile, de voir votre dossier réexaminé devant l’OFPRA.
Plusieurs conditions doivent être réunies afin que vous puissiez demander le réexamen de votre demande d’asile :
Vous devez avoir fait l’objet d’une décision définitive de rejet de votre demande d’asile, par l’OFPRA ou par la CNDA ;
Vous devez apporter des éléments nouveaux à votre dossier ;
Ces éléments nouveaux doivent permettre de justifier vos craintes en cas de retour dans votre pays.
b) Quels nouveaux éléments peuvent justifier un réexamen ?
Le recours en réexamen ne peut être examiné au fond que :
si l’intéressé invoque des faits intervenus postérieurement à la première décision juridictionnelle ;
Ainsi, si vous aviez passé sous silence des faits lors de votre première demande de protection, vous ne pouvez les invoquer comme élément nouveau. Des exceptions existent si vous démontrez avoir été dans une situation de vulnérabilité vous ayant empêché d’en faire état, par exemple si vous étiez lors de votre première demande, sous l’emprise d’un réseau de traite.
Exemple : dans l’arrêt du 27 janvier 1995, le Conseil d’État a annulé la décision de la Commission des recours des réfugiés (devenue aujourd’hui la Cour nationale du droit d’asile) qui avait rejeté une demande de réexamen, alors même que la demandeuse d’asile avait mentionné dans sa demande de réexamen un jugement la condamnant à un emprisonnement pour des faits de nature politique, dont elle n’avait eu connaissance qu’après la première décision de rejet de sa demande d’asile.
Exemple : le 17 juin 2024, la CNDA a rejeté votre demande d’asile, mais vous avez reçu le 12 décembre 2024 de nouvelles menaces par message ou publiées dans un journal local (avec des preuves) / ou bien des membres de votre famille ont été persécuté, en lien avec votre situation et vos craintes personnelles.
Exemple : Aussi, dans une décision n°353807 rendue le 6 février 2013, le Conseil d’État a précisé que le jugement d’une juridiction administrative annulant une décision de pays de renvoi fixant un pays de destination, au motif que l’intéressé justifie des craintes de persécutions dans le pays de renvoi, constitue une circonstance nouvelle qui entraîne la recevabilité d’une demande de réexamen, même fondée sur des faits sur lesquels l’OFPRA ou la CNDA ont déjà statué. La demande peut en revanche être rejetée sur le fond, a fortiori si les éléments présentés devant le juge administratif sont identiques à ceux antérieurement présentés devant l’OFPRA ou la CNDA.
ou dont il est avéré qu’il n’a pu en avoir connaissance que postérieurement à cette décision, et susceptibles, s’ils sont établis, de justifier les craintes de persécutions qu’il déclare éprouver.
c) Procédure et délais pour soumettre une demande de réexamen
La procédure de réexamen est identique à celle d’une première demande. Depuis la loi du 26 janvier 2024, elle peut se dérouler de deux manières, selon votre lieu de résidence :
Dans la plupart des régions : vous devez vous rendre en structure de premier accueil pour demandeurs d’asile (SPADA) pour obtenir le formulaire de demande d’asile. Ce formulaire doit être renvoyé à l’OFPRA dans une délai de 8 jours ;
Dans les territoires concernés par la mise en place des pôles territoriaux “France-Asile” nouvellement créés : l’introduction de la demande d’asile se fait le jour-même de l’enregistrement de la demande, directement auprès d’agents de l’OFPRA, sans avoir besoin de renvoyer un formulaire de demande ultérieurement (cf. article R531-36 du CESEDA).
Si l’OFPRA juge votre demande de réexamen irrecevable, par exemple en l’absence de faits nouveaux, il rendra une décision d’irrecevabilité dans un délai de 8 jours, sans examiner votre demande au fond ni vous convoquer pour un entretien. Vous pouvez contester cette décision devant la CNDA, mais le recours n’est pas suspensif. Cela signifie que vous restez en situation irrégulière pendant la durée de votre recours, et êtes sujet à une décision d’éloignement.
Si votre demande de réexamen est jugée recevable, la préfecture doit vous délivrer une attestation de demande d’asile, qui sert d’autorisation provisoire de séjour, valable un mois et renouvelable pour 6 mois.
d) Recours en cas de rejet sur le fond de la demande de réexamen
Lorsque votre demande de réexamen est considérée comme étant recevable, l’OFPRA va examiner votre demande selon la procédure accélérée, et peut rejeter ensuite sur le fond votre demande de réexamen.
Dans ce cas, vous pourrez encore exercer un recours devant la CNDA dans un délai d’1 mois à compter de la notification du rejet de la demande d’asile par l’OFPRA. Le recours est alors suspensif.
III) Comment contester une OQTF suite à un rejet de demande d’asile ?
a) La procédure pour contester l’arrêté portant OQTF
Comme expliqué précédemment, depuis l’adoption de la loi du 26 janvier 2024, et « sous réserve des cas où [l’administration] envisage d'admettre l'étranger au séjour pour un autre motif » le prononcé d’une OQTF est systématique en cas de rejet d’une demande d’asile.
Le décret du 8 juillet 2024 précise que cette mesure d’éloignement doit être mise en œuvre dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l’administration aura eu connaissance de l’expiration de votre droit au maintien sur le territoire de l’étranger.
Après le rejet de votre demande d’asile, il est donc crucial de surveiller attentivement tout courrier que vous pourriez recevoir à votre adresse de domiciliation. Assurez-vous de le récupérer rapidement, car s'il a été correctement expédié et présenté, il sera réputé notifié, que vous en ayez pris possession ou non
Selon les circonstances, le délai de recours peut varier. En principe, en absence de mesure d’assignation ou de rétention, le délai de recours est désormais d’1 mois à compter de la notification de l’arrêté portant OQTF.
Bien que l’assistance d’un avocat ne soit pas obligatoire, elle est fortement conseillée pour l’introduction d’un recours en excès de pouvoir contre l’arrêté portant OQTF.
Contactez une association ou un avocat au plus vite pour pouvoir contester l'arrêté en temps utile, dès sa notification.
b) Conséquences de la loi du 26 janvier 2024 sur l’OQTF
Depuis l’adoption de la loi du 26 janvier 2024, les OQTF sont désormais exécutoires pendant trois ans. Cela signifie que si vous vous maintenez sur le territoire français malgré l’OQTF, vous risquez pendant 3 ans un éloignement ; alors qu’avant la loi du 26 janvier 2024, cette durée était d’un an.
c) Contestation de la décision fixant le pays de renvoi
En principe, l’OQTF est généralement accompagnée, au sein du même arrêté, d’une décision fixant le pays de renvoi, qui correspond souvent à votre pays d’origine ou au pays que vous avez fui en raison de craintes de persécutions.
Si l’OQTF elle-même est difficile à contester sur le fond dès lors qu’elle est fondée sur le rejet de votre demande d’asile, il est en revanche possible de contester la décision fixant le pays de renvoi. Cette contestation peut se baser sur les risques encourus dans ce pays, tels que l’exposition à la torture ou à des peines ou traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (cf article L. 721-4 du CESEDA).
Ainsi, le juge administratif peut rejeter la demande d’annulation de l’OQTF tout en annulant la décision fixant le pays de renvoi. Dans ce cas, l’illégalité de la décision fixant le pays de renvoi n’a à cet égard aucun impact sur la légalité de l’OQTF : celle-ci reste légale, mais il est impossible de vous renvoyer vers le pays désigné. En pratique, vous restez en situation irrégulière, mais vous ne risquez plus un éloignement vers le pays en question.
Exemple : si avez fui la Côte d’Ivoire en raison de persécutions que vous subissez dans ce pays, qui est votre pays d’origine, que votre demande d’asile a été rejetée par l’OFPRA puis la CNDA, et que l’arrêté portant OQTF fixe la Côte d’Ivoire comme pays de renvoi, vous pouvez contester dans un recours à la fois l’OQTF et la décision fixant le pays de renvoi.
Si la décision fixant le pays de destination est annulée par une décision de justice devenue définitive, mais pas l’OQTF, l’étranger ne peut être considéré comme se soustrayant volontairement à l’exécution d’une mesure d’éloignement.
En cas de changement de circonstances de fait, par exemple si les menaces dans le pays d’origine cessent, l’administration pourra prendre une nouvelle décision fixant le pays d’origine comme destination. C’est le cas, notamment si l’étranger demande la délivrance d'un passeport par les autorités de son pays, après l'annulation de la décision fixant le pays de destination, car l’on considère qu’il s’est placé sous la protection de cet État (voir CE, 24 janv. 2000, n° 204344).
Comme indiqué précédemment, l’annulation par une décision de justice devenue définitive de la décision fixant le pays de renvoi, constitue une circonstance nouvelle qui permet de déposer une demande de réexamen de demande d’asile.
Pour plus d’informations et une assistance personnalisée, et une appréciation en opportunité de telle ou telle démarche, contactez le cabinet.
Me Silvestre
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