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Qu’est-ce que la déchéance de nationalité française ?

Photo du rédacteur: Me Marianne LeloupMe Marianne Leloup




La déchéance est une manière de perdre la nationalité française, prévue aux articles 25 à 25-1 du Code civil. Contrairement aux  hypothèses de perte volontaire de nationalité, la déchéance intervient comme une sanction administrative faisant suite à divers comportements, notamment en raison de la commission de certains crimes. Cependant, tout le monde ne peut pas être déchu de la nationalité française. 


Il convient de ne pas confondre la déchéance de nationalité française avec les procédures suivantes : 


  • la perte de la nationalité qui résulte généralement de l’acquisition de la nationalité d’un État qui n’autorise pas la bi-nationalité ou la pluri-nationalité ; 


  • l’annulation judiciaire d’une déclaration de nationalité si les conditions légales ne sont pas remplies ou en cas de mensonge ou de fraude (exemple : mariage blanc) ; 


  • le retrait d’un décret de naturalisation ou de réintégration si les conditions légales ne sont pas remplies (notamment en cas d’absence de résidence en France, présence insuffisante, manque d'assimilation) ou en cas de mensonge ou de fraude. C’est notamment le cas s’il y a dissimulation d'un conjoint ou d'enfants résidant à l'étranger, dissimulation d'union polygamique, production de documents falsifiés, etc.


La déchéance de nationalité est une procédure rare, mais dont la mise en œuvre est en hausse ces dernières années. Pour en faire l’objet, quelques conditions cumulatives doivent cependant être satisfaites. 


I - Les conditions de déchéance de nationalité


A) Conditions tenant à la personne


1. L’acquisition de la nationalité française


À ce jour, la déchéance de nationalité ne concerne que les personnes nées étrangères qui ont acquis la nationalité française, indépendamment de la façon dont elle a été acquise. Cela inclut : 

  • les personnes naturalisées

  • les personnes ayant acquis la nationalité de plein droit à la majorité pour l’enfant né en France de parents étrangers 

  • les personnes ayant acquis la nationalité par déclaration grâce à un lien de parenté avec un individu français : par mariage avec un conjoint français, par adoption par un parent français, parce que vous avez un frère, une soeur, un enfant ou un petit-enfant français 


En revanche, les individus qui se sont vus attribuer automatiquement la nationalité français dès la naissance par filiation ou du fait de la naissance sur le territoire français ne sont pas concernés : ces derniers ne peuvent jamais être déchus de la nationalité française. Si l’égalité de tous les citoyens français devant la loi est inscrite à l’article 1er de notre Constitution, cette différenciation entre Français de naissance et Français par acquisition subsiste « sans que la différence de traitement qui en résulte viole le principe d'égalité », et ce notamment  « compte tenu de l'objectif tendant à renforcer la lutte contre le terrorisme » selon la décision n°96-377 rendue le 16 juillet 1996 par le Conseil constitutionnel.


2. La détention d’une autre nationalité 


La déchéance de nationalité ne concerne que les personnes a minima bi-nationales, excluant d’office les personnes qui auraient uniquement la nationalité française.

Ainsi, la déchéance ne saurait rendre une personne apatride, c’est-à-dire dépourvue de nationalité, « qu'aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation » selon la définition de la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides. 



B) Condition matérielle tenant aux crimes commis 


En droit positif, l’article 25 du Code civil vient limiter les cas de déchéance à 4 crimes, dont les 3 premiers impliquent l’existence d’une condamnation pénale : 


  • Si la personne est condamnée pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme 

  • Exemple : Par 5 décrets du 7 octobre 2015, 5 personnes ont été déchues de la nationalité française suite à des condamnations pour actes de terrorisme. L’un d’entre eux avait acquis la nationalité française en 1994 et a été condamné par la cour d’appel de Paris en 2008 à 6 ans d’emprisonnement pour sa participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme. En l’espèce, il avait apporté un soutien financier et logistique à une organisation terroriste, notamment en hébergeant des membres de ce groupe et en leur obtenant des passeports pour que ces derniers puissent circuler librement. La déchéance de nationalité de cet individu a été jugée proportionnée aux faits par la décision n° 394348 rendue par le Conseil d’État le 8 juin 2016.


  • Si la personne exerce une fonction publique et est est condamnée pour un acte qualifié de crime ou délit constitués par une atteinte à l’administration publique

  • Exemple (fictif) : un fonctionnaire bi-national condamné pour corruption massive et détournement de fonds publics 6 ans après avoir été naturalisé français


  • Si la personne est condamnée pour s’être soustraite aux obligations résultant pour lui du code du service national 

  • Exemple (fictif) : une personne bi-nationale coupable d’insoumission  c’est-à-dire se soustrayant à ses obligations militaires, notamment en désertant en temps de guerre,  et ce 2 ans après avoir obtenu la nationalité française par déclaration en raison de son mariage avec une ressortissante française


  • Si la personne s’est livrée au profit d’un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France 

  • Exemple (fictif) : une personne pluri-nationale coupable de faits d’espionnage au profit d’un État étranger mettant en danger la sécurité nationale, et ce 9 ans après avoir acquis la nationalité française de plein droit à sa majorité 


En pratique, certains cas visés n’ont jamais été exploités pour prononcer une déchéance de nationalité. Les déchéances de nationalité concernent en réalité des personnes qui ont fait l’objet d’une condamnation pour des actes de terrorisme, soit le 1er cas visé. À titre d’exemple récent, dans une décision n° 460443 rendue le 15 mars 2023 par le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative française rejette la demande d’annulation du décret portant déchéance de la nationalité française d’un homme qui a été condamné en 2017 à une peine de huit ans d’emprisonnement pour avoir « rejoint un groupe terroriste, participé à des entraînements et aux opérations armées de ce groupe ». 


C) Condition temporelle / de délai tenant aux crimes commis


En vertu de l’article 25-1 du Code civil, la déchéance n’est encourue et ne peut être prononcée que si les faits reprochés à l’intéressé (susmentionnés) se sont produits : 

  •  antérieurement à l’acquisition de la nationalité française 

  • dans un délai de 10 ans à compter de la date de l’acquisition de la nationalité française 

  • dans un délai étendu à 15 ans si l’intéressé est condamné pour « un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ». 


II - La procédure de déchéance de nationalité


La personne déchue doit être notifiée individuellement par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) à son domicile des motifs de fait et de droit qui justifient la déchéance de la nationalité française. En l’absence de domicile, la notification se fait par la publication d’un avis informatif au Journal officiel de la République française (JORF).

La personne concernée a ensuite un délai d’1 mois pour présenter ses observations au Ministre de l’Intérieur, faisant office de recours administratif. À l’issue de ce délai, le gouvernement peut déclarer par décret motivé et pris sur avis conforme du Conseil d’État que l’intéressé est déchu de sa nationalité. La personne déchue doit alors être informée de cette décision.


Il convient de préciser que la mesure de déchéance de nationalité n’a pas d’effet sur l’éloignement de la personne déchue, lequel doit être prononcé par une mesure distincte et en prenant en considération d’autres éléments tenant aux droits fondamentaux de l’individu tel que l’interdiction des peines et traitements inhumains ou dégradants ou encore le droit au respect à la vie privée et familiale résultant des articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Ainsi, l’éloignement n’est pas automatique en cas de déchéance de nationalité.

Le décret de déchéance est alors publié au JORF et prend effet à sa signature.


III - La contestation de la déchéance de nationalité 


La personne déchue bénéficie de voies de recours juridictionnels pour contester la mesure de déchéance si le recours administratif susmentionné s’est révélé infructueux. 


Elle peut notamment la contester devant le juge administratif pour demander l’annulation du décret pour excès de pouvoir, mais également devant le juge des référés au préalable si certaines conditions sont réunies. 


Le référé-liberté et le référé-suspension sont des procédures d’urgence, permettant d’obtenir rapidement certaines mesures.


S’agissant du référé-liberté prévu à l’article L. 521-2 du Code de justice administrative, il est nécessaire que soit constituée une atteinte grave et manifestement illégale à un droit fondamental protégé par le droit français (comme le droit à une vie privée et familiale précédemment cité) et que l’urgence soit caractérisée, justifiant que le juge se prononce dans les 48h à compter du dépôt de la requête. Un jugement au fond n’est pas nécessaire, contrairement au référé-suspension. 


S’agissant du référé-suspension prévu à l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, comme son nom l’indique, il permet de demander la suspension d’une mesure, et ce de façon provisoire jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu au fond statuant sur la légalité de ladite mesure permettant son annulation. La suspension pourra être prononcée lorsque l’urgence est caractérisée et qu’il existe un doute sérieux sur la légalité de la mesure.


Néanmoins, il convient de noter que si un décret de déchéance vous prive de la nationalité française, vous pouvez tout à fait en redevenir titulaire à l’avenir et ainsi réintégrer la communauté nationale.



Me Mathilde Silvestre et Anaïs Leparc


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