
Dans cette affaire, notre cliente, une ressortissante marocaine arrivée en France en 2022 avec un visa étudiant avait demandé à la fin de son Master une carte de séjour « recherche d’emploi création d’entreprise » (RECE). Une attestation de prlongation d’instruction puis un récépissé lui avaient été délivrés.
Etant sans réponse de la part de la préfecture, elle avait fini par trouver un poste en CDI et obtenir une autorisation de travail. Elle avait donc déposé une demande de carte de séjour mention « salarié ».
La préfecture avait refusé de lui délivrer ce titre sous le prétexte fallacieux qu’elle avait présenté un récépissé lors de sa demande au lieu de la carte de séjour « RECE » (qui ne lui avait toujours pas été délivrée…).
La juge des référés suspend l’exécution de la décision du préfet, lui enjoint de réexaminer la situation de notre cliente et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour (APS) l’autorisant à travailler à temps plein :
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 13 juin 2024, Mme XXX, , représentée par Me Leloup, demande au juge des référés du Tribunal :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La juge des référés,
1°) d’ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de la décision implicite par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour « recherche d’emploi – création d’entreprise » ainsi que de la décision du 23 mai 2024 par laquelle il a classé sans suite de sa demande de titre de séjour portant la mention « salarié » ;
2°) d’enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l’attente de la décision au fond ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 2 400 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
XXX soutient que :- la condition d’urgence est remplie dès lors que les décisions attaquées l’exposent au
risque de perdre son emploi et donc sa seule source de revenus, et la placent dans une situation de grande précarité administrative alors qu’elle a construit une vie privée et familiale sur le territoire français ;
- il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour « recherche d’emploi – création d’entreprise », qui est entachée d’un défaut de motivation, d’une erreur de droit au regard de l’article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont elle remplissait toutes les conditions à la date de sa demande, et d’une erreur manifeste d’appréciation ;
- il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision de classement sans suite de sa demande de titre de séjour en qualité de salariée, dont l’auteur n’était pas compétent, qui est entachée d’un défaut de base légale, qui est entachée d’une erreur de droit au regard de l’article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont elle remplissait toutes les conditions à la date de sa demande, et d’une erreur manifeste d’appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la condition d’urgence n’est pas remplie, et que les moyens ne sont pas fondés.
Vu :
- la requête tendant à l’annulation de la décision contestée, enregistrée le 13 juin 2024 sous le n° 2408173 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :- le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, - le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné Mme Renault, première conseillère, pour statuer sur les demandes en référé.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience.
Ont été entendus, au cours de l’audience publique du 25 juin 2024, tenue en présence de Mme Goossens, greffière :
- le rapport de Mme Renault, juge des référés ;
- les observations de Me Leloup, représentant Mme XXX, présente, qui reprend les conclusions et moyens de la requête en précisant, s’agissant de ses conclusions à fin de suspension, qu’elle regarde la décision de « classement sans suite » de la demande de titre de séjour salarié comme une décision de rejet de cette demande, compte tenu de ses motifs, s’agissant de l’urgence, que celle-ci est présumée, dès lors que la demande de Mme XXX concerne un renouvellement de titre de séjour, que l’intéressé, en outre, est enceinte, et que les décisions lui font perdre ses droits à la sécurité sociale, à la mutuelle d’entreprise à laquelle elle est affiliée et à un congé maternité, s’agissant des conclusions à fin d’injonction, qu’elle demande que l’autorisation provisoire de séjour qui lui sera délivrée soit assortie d’une autorisation de travail à temps complet.
Le préfet de la Seine-Saint-Denis n’était ni présent, ni représenté. La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience. Considérant ce qui suit :
1. Mme XXX, ressortissante marocaine, est entrée en France le 5 septembre 2016 sous couvert d’un visa de long séjour en qualité d’étudiante, valable jusqu’au 16 août 2023. Ella a sollicité le 26 mai 2023 le renouvellement de son titre de séjour en qualité d’étudiante, le temps de valider son diplôme de deuxième année de Master, qu’elle a obtenu le 9 janvier 2024 et une attestation de prolongation d’instruction a été mise à sa disposition, valable du 17 août au 16 novembre 2023. Dans cet intervalle, elle a sollicité, le 26 septembre 2023, le renouvellement de son droit et séjour et la délivrance d’un titre de séjour « recherche d’emploi – création d’entreprise » et a été convoquée aux fins de dépôt de son dossier le 13 octobre 2023, date à laquelle lui a été remis un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour, valable jusqu’au 12 avril 2024, qui a été renouvelé jusqu’au 7 juillet 2024. N’ayant pas obtenu de réponse à cette première demande, elle considère qu’une décision implicite de rejet de sa demande est née
du silence gardé par le préfet. Enfin, après avoir conclu un contrat à durée indéterminée à compter du 23 décembre 2023, et obtenu pour l’emploi à occuper une autorisation de travail, le 6 octobre 2023, elle a sollicité en outre, le 21 février 2024, la délivrance d’un titre de séjour en qualité de salariée. Cette demande a été « classée sans suite » par les services de la préfecture, au motif que l’intéressée devait attendre de recevoir le titre de séjour pour lequel il lui avait été remis un récépissé avant de changer de statut. Mme demande au juge des référés la suspension de l’exécution, d’un part, de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet sur sa demande de titre de séjour « recherche d’emploi – création d’entreprise » et, d’autre part, de la décision de « classement sans suite » de sa demande de titre de séjour « salarié » qui doit être regardée, compte tenu de son motif, comme une décision de rejet explicite de cette dernière demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice
administrative :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».
3. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d’une demande de suspension d’une décision refusant la délivrance d’un titre de séjour, d’apprécier et de motiver l’urgence compte tenu de l’incidence immédiate du refus de titre de séjour sur la situation concrète de l’intéressé. Il appartient au requérant de justifier de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d’une mesure provisoire dans l’attente d’une décision juridictionnelle statuant sur la légalité de la décision litigieuse.
4. Ainsi qu’il a été mentionné au point 1, Mme a été titulaire d’un titre de séjour portant la mention « étudiant » et les deux titres de séjour sollicités, « recherche d’emploi – création d’entreprise » et « salarié » s’inscrivent dans un processus d’entrée dans la vie active à la suite de l’obtention de son diplôme de Master, que les décisions attaquées ont pour effet d’interrompre. Par suite, la condition d’urgence doit être regardée comme remplie, sans qu’y fasse obstacle la circonstance que la requérante a été mise en possession de récépissés de demande de titre de séjour, dont le dernier, au demeurant, expire très prochainement.
En ce qui concerne l’existence d’un doute sérieux sur la légalité de la décision implicite de rejet de la demande de titre de séjour « recherche d’emploi – création d’entreprise » :
5. En l’état de l’instruction, les moyens tirés du défaut de motivation, de la méconnaissance de l’article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l’erreur manifeste d’appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de Mme sont de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.
En ce qui concerne l’existence d’un doute sérieux sur la légalité de la décision implicite de rejet de la demande de titre de séjour « salarié » :
6. En l’état de l’instruction, les moyens tirés du défaut de motivation, du défaut de base légale de la décision et de la méconnaissance de l’article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme est fondée à demander la suspension de l’exécution de la décision implicite par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour « recherche d’emploi – création d’entreprise » et de la décision de rejet de sa demande de titre de séjour « salarié ».
Sur les conclusions à fin d’injonction :
8. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu d’enjoindre au préfet de la Seine-Saint- Denis, ou à tout préfet territorialement compétent, de réexaminer la situation de Mme dans un délai d’un mois à compter de la présente ordonnance et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail à plein temps jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité des décisions attaquées, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance.
Sur les conclusions relatives aux frais d’instance :
9. Dans les circonstances de l’espèce il y a lieu de mettre la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros à verser à Mme , en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
O RD O N N E :
Article 1er : L’exécution de la décision implicite par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a
rejeté la demande de titre de séjour « recherche d’emploi – création d’entreprise » de Mmeet de la décision par laquelle ce même préfet a rejeté sa demande de titre de séjour « salarié » sont suspendues.
Article 2 : Le préfet de la Seine-Saint-Denis réexaminera la situation de Mme et la munira
d’une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler à temps plein dans les conditions mentionnées au point 8.
Article 3 : L’État versera à Mme la somme de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme XXX, au ministre de. L’intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Fait à Montreuil le 28 juin 2024.La juge des référés
Comments