L’expression « travailler au noir » vient du Moyen Age, où la réglementation interdisait de travailler après la tombée de la nuit. Certains avaient eu l’idée de continuer à faire travailler leurs employés à la bougie, ce qui donna naissance à l’expression consacrée. Aujourd’hui, le travail dissimulé consiste en la dissimulation d’un salarié – et force est de constater que cette pratique touche particulièrement les individus les plus vulnérables de la population : chômeurs, femmes, et bien sûr, étrangers, surtout lorsqu’ils sont sans-papiers.
Si cette pratique est nocive pour tous car elle prive le salarié de tous ses droits sociaux (congé maladie, accident du travail, droits à la retraite), elle l’est particulièrement pour les sans-papiers.
En effet, un des principaux moyens d’obtention d’un titre de séjour pour les sans-papiers consiste à demander à la préfecture une régularisation. Cette pratique, comme nous l’expliquions il y a peu ici, est encadrée par la Circulaire dite « Valls ». Cette dernière prévoit notamment que tout salarié en situation irrégulière peut demander un titre de séjour si il remplit les critères suivants :
3 années de présence en France, totalisant 24 mois de bulletins de salaire, dont 8 mois sur la dernière année ;
ou bien 5 années de présence en France, totalisant 8 mois de travail sur les deux dernières années, ou 30 mois de travail sur les 5 dernières années.
Par conséquent, tout employeur d’un salarié sans-papier dissimulé le prive directement de la possibilité d’être, plus tard, régularisé.
On m’objecte souvent qu’en déclarant un sans-papier, on risque d’être condamné pour l’emploi d’une personne en situation irrégulière. Certes, mais 1) l’emploi dissimulé ne change rien au fait qu’on est déjà en train d’employer un salarié en situation irrégulière – on cumule de facto deux infractions, l’emploi dissimulé et l’emploi d’un sans-papier. Et 2) on imagine aisément que face à des situations d’extrême précarité et frappant notamment un sans-papiers dont une partie de la famille serait présente en France et serait composée d’enfants mineurs, l’employeur pourrait bénéficier de la mansuétude et de la bienveillance des autorités.
On voit bien l’absurdité et l’iniquité d’un système qui d’un côté, réclame des feuilles de paie à un sans-papiers pour le régulariser, et de l’autre sanctionne (sévèrement d’ailleurs) ceux qui les emploie… Scandale social, c’est certain, mais également économique : la France compte chaque année 300.000 emplois non pourvus.
Par Me Marianne Leloup
Crédit photo José Farinha

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